Образуване на българската държава
Петър Петров
LA FONDATION DE L’ETAT BULGARE
Petar Petrov
RESUME
La fondation de l’Etat bulgare est une des plus grands événements dans l’histoire treize fois séculaire de la Bulgarie. Ce fait crée la possibilité d’un développement historique indépendant, contribue aux conditions préalables pour la formation de la nationalité bulgare et favorise l’épanouissement de la Bulgarie en tant que premier centre culturel et littéraire slave. A l’égard du politique extérieur, cet événement relève une importance énorme aussi, pour le peuple bulgare de même que pour les autres peuples slaves. Tout cela provient de la position de la Bulgarie, qui durant des siècles a été l’avant-poste des peuples balkaniques et slaves contre un adversaire aussi dangereux que la Byzance. En périodes déterminées, la Bulgarie prenait la défense des Slaves habitant le cours moyen du Danube contre les attaques de l’Empire franc, et plus tard de l’Empire germanique. Notamment, sous ce rapport, l’existence de la Bulgarie moyenâgeuse représente une importance générale slave et européenne.
Le peuplement des Slaves et des Protobulgares sur la presqu’île balkanique au VIIe s., ainsi que la fondation de l’Etat bulgare, sont des circonstances qui caractérisent ce VIIe siècle dans la vie de l’Europe du sud-est, comme Siècle des Bulgares. Pour cette raison, c’est tout naturel que les sources d’origine diverse — byzantines, occidentales et locales (bulgares) — reflètent ces événements par les renseignements abondants qui les concernent. Les historiens postérieurs marquent du grand intérêt pour la formation de l’Etat bulgare, ce qui est une reconnaissance du rôle considérable qu’il a joué et de son importance internationale. Cependant, il faut noter en même temps décidément, que des questions et d’autres ont été examinées, mais le problème en tout n’a pas été l’objet d’une recherche spéciale. En raison de cela, le livre proposé s’assigne le but de désigner
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toutes les sources disponibles, de considérer d’une manière critique les opinions divergentes et de poser la question de la fondation de l’Etat bulgare dans sa plénitude.
La fondation de l’Etat bulgare résulte de l’alliance des deux unions politiques — les Bulgares d’Asparuh et l’union militaire des tribus slaves peuplant les bords du Danube. Afin de pouvoir éclairer les problèmes concernant la fondation de cet état, il est nécessaire de suivre la trace du développement socio-économique des deux groupes ethniques.
Les Slaves sont d’origine indoeuropéenne. Au VIe s. encore, les sources les divisent en trois branches: les Slaves occidentaux — Wenedi; les Slaves orientaux — Anti; les Slaves méridionaux — Slavini. Les Slaves méridionaux habitant les Car-pates de l’ouest se divisent en deux groupes — les Daces et les Pannoniens.
Les attaques des tribus slaves sur les territoires de la Byzance et de la péninsule balkanique commencent dès la fin du Ve s., et augmentent incessamment pendant lapremière moitié du VIe. s. Ces asssauts étaient livrés par les Slaves méridionaux et orientaux qui agissaient assez souvent en commun avec les Protobulgares.
Après l’an 568 il se fait un revirement essentiel. C’est alors que les Avares viennent s’installer dans les terres du cours moyen du Danube; une partie des Protobulgares tombe sous la domination des Avares et leurs attaques contre la Byzance s’interrompent. Les Avares soumettent aussi les Slaves pannoniens, seuls les Slaves daces restent indépendants. Ces derniers allaient à l’assaut de la péninsule balkanique soit en union avec les Avares, soit indépendamment. Tout cela a approfondi mieux encore la différenciation entre les Slaves daces et pannoniens.
Au début du VIIe s., les Slaves daces surmontent la résistance de la Byzance et s’établissent dans la presqu’île balkanique. Ils occupent les terres au sud de la ligne Belgrad, la vallée de la rivière Morava — la plaine de Kossovo (Champs des Merles) — le lac de Shkoder. Comme la partie principale d’entre eux, pour un certain temps, entre dans les terres de l’Etat bulgare et constitue la base de la nationalité bulgare, ils sont connus à la science historique sous le nom de «Slaves bulgares» — à la différence des Serbocroites, dont la provenance est des Slaves pannoniens, que s’installent plus tard dans la péninsule balkanique.
Les guerres que les Slaves bulgares mènent avec la Byzance et leur établissement à demeure dans la presqu’île balkanique, ont conduit aux grands changements dans leur développement socio-économique; essor hardi des forces produc-
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trices et surtout des outils de travail et d’armement; renforcement de l’inégalité dans les biens possédés et formation des classes sociales; fondation des unions puissantes des tribus militaires. Durant la deuxième moitié du VIIe s., l’Etat bulgare étant formé, les Slaves bulgares dépassent les autres Slaves dans le développement socio-économique. Aussi le mérite de la liquidation de la société esclavagiste en Europe du sud-est est-il avant tout aux Slaves bulgares, pour avoir porté sur leurs épaules le fardeau de la lutte contre la Byzance.
Au VIIe s. les batailles entre les Slaves bulgares et la Byzance continuent. Elles sont livrées surtout sur les territoires de la péninsule balkanique. Ces luttes aboutissent à leur point culminant lors du siège de Constantinople en 626 et les quatre grands sièges de Salonique. Les deux unions militaires de tribus se forment d’une manière définitive pendant ces combats: la première comprend les sept tribus slaves, habitant les bords du Danube — des Carpates jusqu’à Stara planina; la deuxième est constituée aux alentours de Salonique, par quelques tribus slaves qui mènent des luttes acharnées avec les Byzantins, tant pour sauvegarder leur indépendance que pour prendre une ville si importante du point de vue stratégique. Et si la Byzance, moyennant la force de ses armes parvient à écraser l’union militairedes tribus des alentours de Salonique, elle n’arrive pas d’en faire autant avec l’union slave aux bords du Danube. Ces derniers résistent aux assauts des Byzantins jusqu’à la venue des Protobulgares d’Asparuh et ensemble fondent l’Etat commun. Ainsi, pendant les années 70 du VIIe s., les Slaves bulgares étaient-ils au seuil de l’établissement d’une nouvelle organisation d’état.
Les Protobulgares sont d’origine turkmène. Au VIe s. ensemble avec les Huns et d’autres tribus turkmènes, ils habitent déjà en Europe de l’est notamment la région au nord de Cau-casse.
Une certaine partie des Protobulgares s’oriente assez tôt vers l’ouest et s’installe en Europe Centrale, avec les Huns au milieu du Ve s. et avec les Avares au milieu du VIe s. Les Protobulgares qui s’établissent en Pannonie, entreprennent des combats en commun avec les Avares et les Slaves pendant la deuxième moitié du VIe s., sur la péninsule balkanique et prennent part dans le siège de Constantinople en 626. Approxi mativement en 630, après un essai échoué de saisir le pouvoir parmi les Avares, ils s’enfuient dans l’empire des Francs. Ce pendant ces derniers les poursuivent et les massacrent. Cela contraint une petite partie d’entre eux qui arrive à se sauver, environ 700 familles, de se diriger vers la Carinthie slave, menée par Altziok.
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Le grand groupe oriental des Protobulgares, parmi lesquels les plus célèbres sont les tribus utigouri et koutrigouri, ravagent longtemps la Byzance jusqu’à la deuxième moitié du VIe s., quand ils sont vaincus par les Avares et bien tôt après ils tombent au pouvoir des tribus turkmènes occidentaux. Pendant la deuxième et la troisième décennie du VIIe s., le commandant protobulgare Organa jouit d’une grande notoriété parmi les tribus turkmènes. Après sa mort en 631, à la tête des tribus protobulgares se met son neveu Kubrat. Sous sa direction, le pouvoir des turkmènes occidentaux est rejette et l’on crée une grande union militaire des tribus, connue dans les sources historiques sous le nom de «La Grande Bulgarie ancienne».
Le khan Kubrat poursuit la politique de son oncle en maintenant de bons rapports et en sauvegardant l’union avec la Byzance. Les relations pacifiques avec l’empire durent jusqu’à la mort d’Iraklij. Après sa mort, les Protobulgares interviennent dans les luttes intestines byzantines.
Dix ans après le décès de Kubrat (environ en 650), sous les coups des Hasares «La Grande Bulgarie ancienne» se décompose en cinq parties: l’aîné des frères Batbajan (Bajan) reconnaît l’autorité des Hasares; la deuxième partie qui comprend les kotragui (koutrigouri) franchit le fleuve Don. Ils se retirent plus tard en suivant le cours de Volga et fondent le célèbre état — la Bulgarie de Volga et de Kama; le troisième groupe des Protobulgares sous la conduite d’Asparuh s’installe en Ongala; le quatrième groupe des Protobulgares à la tête desquels se met Altzeko se dirige vers l’Italie où au début fait son service auprès des Byzantins et plus tard auprès des Langobardes.
Les études sur les Bulgares d’Asparuh nous donnent la possibilité de constater qu’ils peuplaient un territoire immense entre le cours inférieur de Dnepar et le delta du Danube. C’est le territoire Ongala dont il est question dans les sources historiques. Les données des sources écrites et les recherches archéologiques démontrent que c’était une peuplade nombreuse — à peu près 250—300 mille personnes. Les relations des Bulgares d’Asparuh avec la Byzance étaient hostiles et ils attaquaient souvent son territoire. En raison de ces faits mêmes, les savants se permettent d’émettre l’opinion que le commencement de l’Union des Slaves et des Bulgares se fait probablement encore à l’époque quand les Protobulgares se trouvent au nord du Danube.
La fondation de l’état bulgare a lieu dans une période quand la Byzance mène des luttes de mort et de vie avec les Arabes. En 674, la marine arabe passe dans la Mer de Marmara et assiège a capitale byzantine durant cinq ans, du printemps précoce
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jusqu’à l’automne tardif. En même temps les tribus slaves de la péninsule balkanique se soulèvent, et en 678 font le siège le plus sérieux et le plus grave de Salonique. Il s’impose à Con-stantinople de laisser à part et d’envoyer pour appui à Salonique dix navires de bataille, chargées d’armées et de nourriture.
Encore en 678, la Byzance arrive à parer le danger arabe et se sert pour la première fois dans son histoire d’une nouvelle arme puissante — le bien connu «feu de mer». Cela donne la possibilité aux Byzantins de conclure un traité de paix, favorable pour eux, avec les Arabes et de diriger ses forces contre les Slaves autour de Salonique.
Bien surpris par le coup inattendu, les Slaves ne supportent pas l’assaut dans la plaine et se retirent dans les régions montagneuses. Là-haut, les Byzantins les pressent toujours et cela contraint les Slaves de demander secours aux «divers rois barbares». L’analyse des sources démontre qu’il faut sous-entendre par cette expression les deux groupes des Protobulgares — de Kuber et d’Asparuh.
En 679, les Bulgares de Kuber, qui comprennent des Protobulgares, des Slaves et des descendants de la population balkanique enlevée en captivité par les Avares, se révoltent contre le pouvoir des Avares et envahissent les territoires byzantins. Ils écrasent l’armée byzantine près de Belgrade, descendent la vallée de Morava et de Vardar et arrivent aux Champs de Bi-tola où ils s’installent. Comme il était impossible pour l’empereur de les détourner forcément où de les subjuguer, il a tombé d’accord qu’ils y fixent leur domicile permanent et a même obligé le tribu slave voisin — dragovitchi, de leur fournir des vivres. De cette façon, indépendamment de la paix signée, la menace de Bulgares de Kuber et des Slaves continue de peser sur Salonique.
Toujours en 679, les Bulgares d’Asparuh s’avancent dans la région de Dobroudja du nord. La Byzance se trouve dans une situation grave vis à vis de la péninsule balkanique et se met à appliquer une nouvelle tactique: tout en maintenant des relations de paix avec les Bulgares de Kuber, elle décide de chasser ceux d’Asparuh avec force.
La marche des Byzantins contre les Bulgares d’Asparuh a eu lieu au printemps précoce de 680. C’était une sérieuse campagne militaire, organisée par l’empire de la méthode dont elle se sert en allant au combat contre un ennemi particulièrement dangereux — les Byzantins se sont mis à la marche à la fois par terre et par mer avec la participation personnelle de l’empereur. La cavalerie d’Asie Mineure était envoyée contre les Protobulgares, de même que la marine, composée par de
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très sérieuses forces militaires qui avant avaient sauvé l’empire du danger arabe.
S’exposant au risque de voir coupé son chemin de recul quand les bateaux byzantins entrent dans le delta du Danube, ainsi que devant la force d’une armée de cavalerie si grande, le khan Asparuh décide de manœuvrer en retraite au-delà du Danube où il envisage de livrer la bataille décisive. En outre, la localité là-bas a été favorable pour les Protobulgares: de Galatz jusqu’à la mer, presque dans une chaîne continue, s’étendent des marécages et des lacs, et derrière ce paysage s’allonge le remblai de Bessarabie du sud. En effet, la cavalerie byzantine recule un peu en arrière à la vue de cette contrée impénétrable et cherche en vain d’engager une bataille ouverte. A part cela l’empereur a quitté le champs de bataille en partant avec sa suite et cinq bateaux pour la Messembrie. D’après les chroniqueurs ce fait a provoqué la panique parmi la cavalerie qui finit par s’enfuir. Dans le combat donné, les Protobulgares remportent une grande victoire et encore dans les territoires au delà du Danube détruisent la plupart de l’armée d’empereur. D’après tout il paraît que la marine n’a pris aucun part dans la bataille, comme suivant les pas des armées byzantines en retraite, les Protobulgares franchissent le Danube et pénètrent de nouveau à l’intérieur de Dobroudja.
Les actions des Protobulgares sur la presqu’île balkanique sont décrites d’une manière très générale. En vérité deux étapes apparaissent des récits des chroniqueurs: la conquête des possessions byzantines au nord de Stara planina et la fondation de l’Etat bulgare.
D’après les chroniqueurs Téophan et Nikiphor, les Protobulgares étendent leur territoire, se fortifient et aboutissent jusqu’à Varna. Ils se mettent à prendre des villes et des cités en Thrace. Ici sous la nomination «Thrace», les chroniqueurs ont en vue les terres comprises entre le Danube, la Mer Noire, le Sud de Stara planina et les coteaux de Shoumen. Téophan affirme d’une manière catégorique que ce territoire n’a pas été jusqu’à ce temps là possédé par les Byzantins, et qu’il devient après et jusqu’au début du IXe s. une possession des Protobulgares. Les recherches archéologiques nous aident à préciser que les Protobulgares assaillissent et prennent de telles forteresses comme Draster (aujourd’hui Silistra), Varna, Dionissopol (aujourd’hui Baltchik), le fort du village Vojvoda d’aujourd’hui (près de Pliska) et bien d’autres encore.
En parlant des rapports établis entre les Protobulgares et les Slaves, de même que, de la défense de la frontière au sud et à l’ouest, Téophan fait savoir que le tribu Severi surveille les cols de Stara planina à l’est de Veregava, et les autres
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sept tribus prennent la garde des cols se trouvant au sud et à l’ouest jusqu’à l’Avarie. Téophan communique que les sept tribus habitent des régions hors du territoire conquis par les Protobulgares. Nikiphor qui n’écrit rien du tribu «Severi» dorine les mêmes renseignements: certains tribus surveillent la frontière à l’est avec la Byzance, et d’autres — la frontière à l’ouest jusqu’aux terres des Avares.
Les données des chroniqueurs posent la question du caractère de l’Etat bulgare. Comme Téophan se sert expressément de l’expression «ὑπὸ πάκτον ὄντας», malgré certaines divergences parmi les savants, l’on est enclin à admettre que cette expression signifie la constitution d’une union entre les Slaves et les Protobulgares au sein de l’Etat commun.
Le grand nombre de renseignements que nous font connaître les sources parlent aussi des rapports d’alliance. Il fait avant tout une forte impression, que jusqu’au premier quart du IXe s., presque toutes les sources font la différenciation entre les Slaves et les Protobulgares dans l’Etat, non seulement comme deux groupes ethniques à part, mais aussi par leur lieu de résidence habituel et organisation administrative. Le territoire occupé par les Protobulgares est connu sous le nom «La Bulgarie». D’après l’inscription de Hambarli au langage des Protobulgares ce territoire s’appelle «sarakt». Le pouvoir s’exerce de la manière classique turkmène: on distingue un centre et deux ailes, et le khan, son frère et le prince héréditaire dirigent le centre. Les aides les plus proches du khan — «le kav-khan» et «itchirgou boïla» régissent l’aile gauche et l’aile droite. La division en tribus subsiste chez les Slaves, et chaque tribu forme un domaine administratif et militaire à part «Slavinia», gouverné par son propre roi héréditaire. L’Etat bulgare comprenait sept tribus slaves, qui formaient sept «Slavinia». Il paraît d’après tout que le tribu Severi s’était distingué dans la guerre avec la Byzance et reçoit le statut d’une Slavinia indépendante. Ce n’est qu’aux années 20 du IXe s. que le khan Omourtag supprime le caractère d’alliance de l’état et impose une nouvelle administration administrative: le pays était partagé en domaines (komitati), à la tête desquels étaient des préfets (ko-miti), administrés par le souverain.
Les sources écrites contiennent des informations sur ces Slavinia, en mettant en relief que ce sont des domaines entrant dans les limites de l’Etat bulgare. Un renseignement de Téophan sur la guerre de 688 entre la Bulgarie et la Byzance en est particulièrement spécifique. On y communique que Justinien II a dérogé au traité de paix signé par son père Constantin IV Pogonat avec «La Bulgarie et les Slavinia», Non seulement que cette information éclaircit l’organisation administrative de
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l’Etat bulgare, mais il fait voir aussi que Constantin IV Pogonat par le traité même reconnaît l’Etat bulgare comme une union entre la Bulgarie et les Slavinia.
En ce qui concerne les conditions du traité de paix, les sources démontrent avant tout l’obligation de l’empire de payer un tribut annuel à l’Etat bulgare.
Les chroniqueurs décrivent la guerre des Protobulgares contre la Byzance et la conclusion du traité de paix avec la Byzance toujours dans la même année — 680. C’est surtout Téophan qui est catégorique à cet égard. Le chroniqueur occidental Ziguerebt note également en parlant de l’année 680: «Dorénavant il faudra marquer le royaume bulgare.» Et déjà en août de 681, dans son discours au Concile à Constantinople, le prêtre Constantin d’Apameja, parle de la Bulgarie comme d’un état déjà établi. Tout cela pose la question du début de l’existence de l’Etat bulgare et d’une manière plus concrète du critère auquel on devra avoir recours pour la fixation de ce début.
Il y a deux conceptions dans la littérature historique sur cette question. Selon la première, la fin de la guerre avec la Byzance, et plutôt la conclusion du traité de paix célèbrent le début du nouvel état. La deuxième conception soutient la thèse que l’état est un système d’institutions qui résultent du développement socio-économique intérieur: armée, administration, pouvoir publique, prisons, tribunaux etc., y compris le souverain et la capitale. Ces institutions ne sont pas fondées par un traité international. En outre, dans le cas dont on parle, l’Etat bulgare s’établit comme l’alliance de deux unions militaires politiques indépendantes — celle des Slaves et des Protobulgares. Pour cette raison il faudra admettre comme début de l’existence de l’Etat bulgare la conclusion de l’accord qui conduit à la formation d’une union politique qualitativement nouvelle ayant une capitale commune — Pliska et le même souverain — Asparuh. Cela a eu lieu en été de 680, encore avant la fin de la guerre et avant la conclusion du traité de paix avec la Byzance.
La question de la frontière bulgare à l’ouest et au nord a été longtemps l’objet des discussions à cause de la conception que les trois tranchées sur le territoire du département de Vratza d’aujourd’hui et les deux tranchées dans la plaine de Valaquie, n’étaient pas considérées comme frontalières. Actuellement on a déjà constaté d’une manière irréfutable que c’étaient des équipements servant à une consolidât, jii intérieure. A part cela les matériaux archéologiques, comparés aux sources écrites nous donnent la possibilité de désigner avec certitude les frontières de l’Etat au nord-ouest des Carpates et à l’est de Dnepar. C’est pour cela que les frontières de la Bulgarie peuvent être déterminés de la manière suivante: La Byzance était son voisin au sud, et la frontière commence du cap
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Eminé (à la Mer Noire) et suit la crête de Stara plamna, englobe les vallées de Timok et de Morava et aboutit jusqu’aux Jelesni vrati (Les portes de fer) du Danube; au nord-ouest la frontière avec les Avares longe la crête des Carpates, d’où elle prend la ligne des forêts et des steppes et arrive aux rapides de Dnepar; à l’est la frontière bulgare suivant le détour de Dnepar confine au territoire des Hasares; la frontière de mer commence de l’embouchure de Dnepar et touche au cap Eminé.
Malgré la trêve concluse, les relations entre la Byzance et la Bulgarie continuent d’être tendues. L’Empereur ne peut pas se résigner avec la perte de ses terres au nord de Stara planina et voudrait faire tout pour les récupérer. Une des premières manifestations de cette hostilité est la formation de la nouvelle unité administrative militaire — la Thrace. C’est la première unité byzantine sur la péninsule balkanique qui s’étend au nord jusqu’à toute la frontière avec la Bulgarie, du cap Eminé au champ de Sofia. En Thrace le pouvoir militaire et le pouvoir civil sont concentrés dans les mains d’une même personne — un stratège, ce qui suggère l’intention de l’empire de se servir d’un ordre nouveau pour l’exécution de ses objectifs militaires.
A ce défi les Bulgares répondent par une intense construction des forteresses. Des vestiges des forteresses de terre se sont conservés jusqu’à nos jours. On y trouve aussi les décombres des levées de terre et des barrières, dressées en plusieurs lieux dans le pays: dans la capitale Pliska et dans ses environs, au bord de la Mer Noire et à l’intérieur. Les Bulgares eux aussi, se préparaient pour les conflits militaires imminents.
Un événement qui a lieu à cette époque, conséquent des rapports bulgaro-byzantins, est l’essai des Bulgares de Kuber de prendre Salonique. Cet essai s’ensuit d’un plan astucieusement conçu: Mavre, un des plus proches aides de Kuber, doit aller comme fugitif à Salonique pour gagner la confiance de l’empereur et prendre la ville à l’intérieur avec son bataillon. Après l’échec de Mavre, de réaliser la prise de Salonique, il est emmené ensemble avec ses subalternes à Constantinople, et installé plus tard en Thrace où il sauvegarde sa condition de haut dignitaire byzantin. Trois cachets de Mavre sont conservés de cette époque, et sur l’un d’eux il est nommé préfet des «Ser-missiani et Bulgares». Sans doute cette expression décéle-t-elle les deux groupes constituant les Bulgares de Kuber: «Sermissiani» vient de Sirmium, alors appelle Sermij et comprend les captifs byzantins et leurs descendants, installés à demeure à Sirmium, c.à.d. que la tradition byzantine — désigner la population par des indices administratifs ou géographiques, y est observée également; sous le nom «Bulgares» on faudra sous-
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entendre les Protobulgares de Kuber et de Mavre, et peut-être le petit nombre de Slaves et d’Avares, qui s’y mêlent.
Les cachets de Mavre datent de la fin du VIIe s. et du début du VIIIe s. Comme il entretenait, tout ce temps durant, des relations avec Kuber, cela donne des renseignements sur les Protobulgares de Keramissijsko polé. Une des inscriptions de Madara, racontant des relations maintenues entre Asparuh et Tervel, d’un côté, et les Protobulgares autour de Salonique, d’un autre, désignés comme «oncles», s’y rapporte aussi. De cette manière la question des actions réciproques entre les Bulgares d’Asparuh et de Tervel se met en relief sous un jour nouveau, ce qui éluciderait inévitablement un nombre des événements des premières décennies de l’Etat bulgare.
Grâce surtout aux découvertes archéologiques, la science s’enrichit des faits nouveaux: des dessins exécutés au graphite ont été trouvés dans la montagne Pangée, dans la région près de la Mer Egée, tout à fait semblables à ceux de la Bulgarie du nord-est et rattachés aux Protobulgares; des nécropoles et des restes de l’influence de la culture protobulgare ont été découverts dans les Rhodopes — près du village Borino, le département de Smoljan, et près des villages Slashten, Touhovishté et Ablanitza, le département de Blagoevgrad; dans la forteresse de Pernik on avait trouvé un pot portant des indices protobulgares les plus caractéristiques — Y avec deux «hasti» parallèlement verticaux, de la culture rappelant celle des Protobulgares et des Slaves pannoniens qui a été découverte dans la région de Pernik et au défilé de Kresna (tout le long de la vallée de la rivière Strouma). Tout cela se rapporte d’une manière décisive aux Bulgares de Kuber.
La trouvaille de tous ces matériaux nous offre la possibilité de réexaminer certaines sources écrites qui ont rapport aux «Scythes». Il s’avère que sous ce nom les auteurs byzantins jusqu’au milieu du Xe s. envisagent les Bulgares de Kuber. C’est pour cela qu’à présent un certain nombre de questions se révèlent sous un jour nouveau: l’extension territoriale de la Bulgarie vers Salonique en 904; la révolte de Mihaïl, le frère du tzar Petar, et l’émigration de ses rebelles en 930 en Byzance; l’entreprise d’une campagne contre eux au milieu du Xe s. visant leur soumission, etc. Il va sans dire que cela impose la révision des plusieurs autres questions aussi.
La première guerre entre la Byzance et la Bulgarie en 688—689, se fait voir sous un aspect tout à fait nouveau. Les sources démontrent incontestablement que cette guerre représentait une infraction du traité de paix avec la Bulgarie et les Slavinia, et lors des activités militaires, les Byzantins portent un coup à la Bulgarie et aux Slavinia et pénètrent dans la partie
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de l’est du pays de même que dans le territoire du tribu «Seve-ri». Cette offensive a du avoir lieu au plus tard en août de 688, puisque l’année 689 commence du 1 Septembre, et c’est alors que les armées de l’empereur se mettent en marche pour réprimer les Slaves de la Thrace et de la région près de la Mer Egée. En été de l’année suivante, 689, les Protobulgares guettent le passage de l’empereur, rentrant à Constantinople, et écrasent son armée sur les pentes au sud des Rhodopes. L’unitédes activités militaires qu’engage la Byzance contre l’Etat bulgare et les tribus slaves de la Thrace et de la région près de la Mer Egée est bien significative — elle évoque un front commun antibyzantin sur la Péninsule Balkanique, dans lequel la Bulgarie joue un rôle unificateur pour les Slaves du groupe bulgare. En ce qui concerne les conséquences concrètes qui découlent de cette guerre, elles contribuent à la reconnaissance de la Bulgarie en tant que force balkanique et contrainnent l’empire d’observer les conditions du traité de paix.
Les renseignements écrits et archéologiques, enfin, suggèrent à conclure, qu’à la fin du VIIe s. la Bulgarie défend avec succès sa frontière au sud, bien que le khan Asparuh trouve sa mort dans une bataille avec les Hasares.
La fondation d’un état est un événement important dans l’histoire de tout peuple. Il en va de même pour l’histoire des Bulgares, en leur ouvrant le chemin d’un développement historique et d’une existence indépendants. Tout particulièrement pour le peuple bulgare, la fondation de l’état se révèle d’une importance capitale—la formation de la nationalité bulgare. C’est un fait notoire que dans les limites de l’Etat bulgare entrent trois groupes ethniques — Slaves, Protobulgares et la population locale balkanique qui y habitait avant leur venue. Ces groupes appartiennent à trois cultures et à trois religions différentes et parlent trois langues différentes. Leur fusion mutuelle en une nationalité commune était impensable sans l’union politique dans un état commun, au nom d’une politique commune et un destin politique commun. La formation de la nationalité bulgare entraîne des suites exceptionnelles. D’un côté le mélange des groupes ethniques de la population unit l’état et le fait plus puissant, mais ce qui importe le plus, c’est qu’au cours des décennies et des siècles, en périodes des grandes épreuves, cette union empêche la desagrégation de l’état et sa disparition. D’un autre côté la nationalité bulgare unie, crée une culture matérielle et spirituelle de haute valeur, et devient une force dirigeante parmi les peuples slaves. La création de l’écriture et de la littérature slaves, la distinction de la Bulgarie
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comme le premier centre littéraire slave — tout cela est inconcevable sans la formation de la nationalité bulgare.
A l’égard de la politique extérieure, la Bulgarie se manifeste avant tout comme une force balkanique. Ayant étendu une partie considérable de son territoire sur la presqu’île Balkanique, l’Etat bulgare barre le chemin de la Byzance vers les Slaves balkaniques, orientaux et occidentaux. En tant quepays slave, il devient un centre attirant pour les Slaves sous la domination byzantine. Ainsi la Bulgarie est-elle une barrière sérieuse contre les tentatives de la Byzance de se déployer comme une force mondiale et de rétablir l’empire Romain d’autrefois. Cela engendre le grand conflit qui remplit l’histoire des relations mutuelles des deux pays. Le résultat de cette lutte est la libération et l’annexion des régions immenses, habitées par une population slave, aux terres de l’Etat bulgare. Tous ces faits ont servi l’affaiblissement de la Byzance et on fait échouer ses tendances assimilatrices.
Le rôle de la Bulgarie moyenâgeuse pourrait être considéré de près en beaucoup d’autres domaines aussi. La Bulgarie est connue en tant qu’un grand centre culturel — c’est elle le pont vivant qui ensemble avec la Bysance lègue une culture antique aux autres peuples slaves et européens. C’est un fait notoire que le rôle exerce plus tard par l’église bulgare. C’est une des plus importantes églises orthodoxes orientales. La Bulgarie est largement célèbre comme un centre hérétique. Son rôle dans le développement économique de l’Europe du Moyen Age est également considérable. Tous ces effets déterminent la fondation de l’Etat bulgare comme un événement d’une importance générale européenne.