Testi neogreci di Calabria. Parte I. Introduzione, prolegomeni e testi di Roccaforte a cura di Gui. Rossi Taibbi. Parte II. Testi di Rochudi, di Condofuri, di Bova e indici a cura di Girolamo Caracausi. Palermo 1959

 

Ivan Dujčev

 

 

«Byzantinoslavica», Prague, XXIV (1963), pp. 130-132

 

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Comptes-rendus

Testi neogreci di Calabria. Parte I. Introduzione, prolegomeni e testi di Roccaforte a cura di Gui. Rossi Taibbi. Parte II. Testi di Rochudi, di Condofuri, di Bova e indici a cura di Girolamo Caracausi. Palermo 1959, pp. LXXXVII + 493.

 

L’histoire médiévale de la Sicile et en général de l’Italie méridionale étant étroitement liée à l'histoire de l’Empire byzantin, on comprend l’intérêt tout particulier qui existe chez les savants de cette partie de la Patrie italienne envers les problèmes byzantins. On a organisé à cet effet, un centre d’étude — Istituto Siciliano di studi bizantine e neoellenici, présidé par le savant italien bien connu, le prof. Bruno Lavagnini, de l’Université de Palerme. Pendant la brève période de son existence, l’Institut a publié y toute une série d’ouvrages qui ont, certainement, une importance beaucoup plus grande, en dehors de l’histoire de la Sicile, bien que le passé de la grande île y soit au centre. Telle est, par exemple, l’édition des lettres grecques de Barlaam (Barlaam. Calabro. Epistole greche), publiée par le prof. Giu. Schiro (1954), ensuite La Geste de Robert Giuscard par Guillaume de Pouille, publiée par Mlle Marguerite Mathieu (1961), ainsi qu’un texte byzantin d’un intérêt singulier — l’œuvre d’Eustace de Thessalonique

 

 

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La espugnazione di Tessalonica, faite par un éminent savant grec, le professeur de Thessalonique Stylpon Kyriakidis (1961). C’est dans la même série de textes (Testi e monumenti, Testi 3) que deux savants italiens, Mr. Giuseppe Rossi Taibbi et Mr. Girolamo Caracausi ont publié le gros volume contenant les textes grecs de la Calabre. Déjà en 1821, un jeune savant allemand, Karl Witte, avait relevé, dans le Sud de la Calabre, dans, Reggio Calabria, l’existence d’un dizaine de villages dont la population parlait le grec. Au cours de plus d’un siècle, un bon nombre de savants se sont occupés à étudier la vie et la langue de cette population. Encerclés par une population qui parle le dialecte italien de la région, ces villages perdirent vite l’usage de la langue grecque, et aujourd’hui on en trouve, des traces seulement dans six villages, situés dans des lieux peu accessibles au sud d’Aspromonte: Roccaforte, Rochudi, Chorio di Rochudi, Condofuri, Galliciano et Bova. Les investigateurs plus anciens ont pu ramassé cependant, des matériaux, linguistiques assez riches: des chansons populaires, des contes et des nouvelles, des proverbes, etc. En ajoutant à ces matériaux déjà édités des textes recueillis surtout pendant des voyages d’étude à la fin de 1957 et au commencement de 1958, les deux savants italiens nous offrent un corpus de textes, transcrits en caractères latins et avec version italienne. Dans une vaste introduction on y trouve une description des villages mentionnés, puis une revue bibliographique des publications existentes et de copieuses observations linguistiques. La majeure partie des textes publiés appartient chronologiquement à la seconde moitié du siècle passé, ce qui leur donne une valeur encore plus grande, ou, d’après les éditeurs, «il loro valore documentano è retrospettivo, non attuale». Or, on connaît bien la grande discussion, dans la littérature spéciale, sur le problème de l’origine lointaine des éléments grecs dans cette partie de l’Italie, c’est-à-dire s’il faut les faire descendre jusqu’à l’époque classique, de la Magna Grecia, ou bien les expliquer par la domination byzantine au cours du Moyen Age. Pour éclaircir le problème, les matériaux linguistiques ont fait l’objet de plusieurs études de savants italiens et étrangers. Il semble pourtant que les matériaux disponibles doivent être étudiés non seulement au point de vue linguistique, comme on l’a fait le plus souvent, mais aussi au point de vue de leur contenu et en comparaison avec ce qu’on connaît du folklore byzantin des autres régions. Il y a, bien entendu, une grande partie, de textes d’un contenu, pour ainsi dire, «moderne»; ou bien trop humain, comme dans les chansons d’amour, qui à cette raison ne contiennent des traits spécifiques. Il y a, en outre, des textes qui ont certainement une origine livresque, c’est-à-dire qui sont passés dans; le folklore grâce aux œuvres littéraires lues pendant une époque un peu plus ancienne. Sans faire ici de comparaisons spéciales, on indiquera seulement quelques exemples.

 

Il serait intéressant de mentionner des analogies balkaniques à quelques textes publiés par Rossi Taibbi et Caracausi. Ainsi, le récit «I alapúda ć’o likose» (pp. 31—32) a un correspondant bulgare très proche, connu comme conte populaire. Une autre variante bulgare est donnée par le récit «I kátara tu mágu» (pp. 77—81), au moins pour certains éléments («getare un pettine», «gettare un pezzo di sapone» etc.). A propos de certains contes (pp. 40—51; 93—98; 129—135) ayant pour sujet les rapports entre le magicien et son élève, on peut indiquer une étude de J. Polívka (Магьосникът и неговият ученик. Сравнителна фолклорна студия. Сборник за народни умотворения, наука и книжнина XV [1898] 393—448), avec des analogies balkaniques et, en général, slaves. On pourrait indiquer des analogies bulgares pour toute une série de proverbes, par exemple «Il cane che abbaia molto, morde poco» (pp. 276, 298, 384), «Il sazio non crede al digiuno» (p. 296 ), «Crepa, asino, oggi che domani ti porto erba» ( pp. 297, 385),

 

 

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«Tanto va la bombola all’acqua, finché si spezza» (p. 298), «Interrogando vado per tutto il mondo» (p. 370), «Tra importa e stipite non metta nessuno le proprie dita» (p. 374), «Quando piove col sole, si sposanoe le volpi» (p. 379), etc.

 

Il y a aussi des éléments divers qui trouvent des analogies dans le folklore balkanique (par ex., p. 167: «La ricotta che fece in minuzzoli con le mani e al drago disse che era pietra blanca»; l’usage de jeter des pierres en signe de damnations, p. 56, etc.). Il est peut-être inutile de dire que des allocutions, comme «compare volpe», «compoare lupo», etc., ont des analogies dans le folklore des peuples des Balkans. On peut enfin rappeler le passage suivant dans un conte de Roccaforte (pp. 220—228: Ta provatúća pu kánnusí pása sonáta): «Gianni gli diede la condanna che lo ponessero a cavallo di un asino e lo conducessero in giro per tutta la città, gridando che era falso. . .» (p. 227). C’est justement un usage très connu de l’époque byzantine, qui a été fort bien illustré par Ph. Koukoulès, et dont les traces se trouvent aussi chez les autres peuples balkaniques, notamment chez les Bulgares (v. G. I. Kacarov, Етногpaфски успоредици. Списание на Българск. акад. на наук, LXXI (1950) 147 sqq.).

 

Comment expliquer ces traits communs entre les textes grecs de la Calabre et le folklore balkanique? Comme des coïncidences plus ou moins fortuites, ou bien comme expression de la communauté qui existait au Moyen Age entre les Byzantins et les Slaves balkaniques, en grande partie due à l’influence byzantine sur les Slaves? Le seconde hypothèse semble beaucoup plus acceptable. Sans pousser ici plus loin les recherches et sans tenter de découvrir des analogies dans l’époque classique, il faudrait admettre que ces traits communs entre le folklore de la Calabre et le folklore balkanique sont justement byzantins. Cette conclusion, de de la Calabre et le folklore balkanique sont justement byzantins. Cette conclusion pourrait, à mon avis, avoir une certaine importance pour éclaircir le problème fondamental, si discuté, de l’origine antique ou byzantine; de la «grecità» dans la Calabre.

 

I. Dujčev / Sofia

 

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