Źródła, sagi i legendy do najdawniejszych dziejów Polski

Gerard Labuda

 

RÉSUMÉ

 

Chapitre I: La Pologne et les territoires en bordure de la Baltique dans la Description de l’Europe par le roi Alfred (IX s.)

Chapitre II: Base historique de la légende relative aux combats entre Goths et Huns au bord de la Vistule (Hervararsaga et Chanson des Huns)

Chapitre III: Widsidh

Chapitre IV: Les pays slaves et la Pologne dans la Chanson Roland

Chapitre V: La légende de Walter d’Aquitaine en Pologne

 

L’auteur de cette étude se propose d’étudier les sources historiques et les légendes des pays de l’ouest de l’Europe (Allemagne, Angleterre, Scandinavie), se rapportant à la Pologne avant l’établissement de l’État polonais. Il laisse volontairement de côté la source historique du IX-ème s. nommée „Géographe de Bavière” (Geographus Bavarus), car elle a été récemment l’objet d’une analyse minutieuse de la part du prof. H. Lowmiański et des savants tchèques B. Horák et D. Trávniček.

 

Parmi les sources historiques, la description de l’Europe centrale par le roi anglais Alfred le Grand (871—899), présente un intérêt primordial. Elle constitue un supplément à sa traduction en anglo-saxon de l’oeuvre d’Orosius Historia adversum paganos.

 

Parmi les sagas et les légendes, on prendra en considération un cycle de récits relatifs aux combats livrés entre Goths et Huns au bord de la Vistule (c. à d. Hervararsaga et Hunnenlied), ainsi que l’ancien poème anglo-saxon Widsidh.

 

Nous trouvons aussi d’intéressantes mentions touchant la Pologne médiévale et les autres pays slaves dans la Chanson de Roland.

 

Enfin une des sources historiques polonaises du XIII-ème siècle, la Chronique dite Wielkopolska, reprend le sujet du récit sur Walther d’Aquitaine (Waltharius), enrichi de motifs proprement polonais.

 

L’auteur laisse également de côté dans ce travail, le cycle des sagas Scandinaves se rapportant aux Vikings de Jómsborg, établis au X-ème siècle à l’embouchure de l’Oder (Jómsvikingasaga et les autres sagas); ce cycle mériterait une étude particulière.

 

 

Chapitre I: La Pologne et les territoires en bordure de la Baltique dans la Description de l’Europe par le roi Alfred (IX s.).

 

La Description du roi Alfred de la fin du IX-ème siècle se rattache au courant chorographique en géographie, qui s’est développé dans les pays méditerranéens du I-er au V-ème siècle de notre ère.

 

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Orosius d’Espagne en fut le représentant le plus connu, bien qu’il n’en soit pas le meilleur. Sa chorographie du monde antique a dû sa célébrité au traité historique Historia adversum paganos, dont elle constituait l’introduction. Cette chorographie d’Orosius traitait uniquement des pays situées au sud du Danube et à l’ouest du Rhin. Les continuatuers de cette méthode chorographique dans le Haut Moyen-Âge, comme Jordanes, Ysidore de Séville, le Cosmographe Aeticus, Dicuil et Paul le Diacre n’ajoutent pas beaucoup à la connaissance des pays germains et slaves. C’est seulement l’auteur anonyme d’un court précis géographique, nommé le Géographe de Bavière, et le roi anglais Alfred le Grand, qui apportèrent un nombre considérable de dénominations et de données sur les peuples habitants à l’est du Rhin et au nord du Danube.

 

Il faut souligner que seule la Description de l’Europe du roi Alfred relève de la chorographie au sens propre du mot, tandis que le Géographe de Bavière contient une simple énumération des tribus, sans indication de leur habitat.

 

Le roi Alfred appelle Germanie la partie de l’Europe située entre la Mer Noire, le Rhin, les fleuves Don et Danube et la Mer de Kwen (Cwensae). Une analyse plus détaillée montre qu’il identifiait la Germanie avec le territoire situé à l’intérieur des frontières de l’Etat des Francs orientaux. Paul le Diacre avait déjà professé cette opinion. Il est difficile de garder à l’ensemble des territoires décrits dans la chorographie d’Alfred le nom Germania — de Germanie; il faut établir une nouvelle dénomination telle que la Description de l’Europe centrale.

 

La majorité des territoires décrits par le roi Alfred étaient peuplés de Slaves et de Baltes.

 

Le supplément chorographique du roi Alfred se compose de trois parties: 1) la description chorographique de l’Allemagne, des Pays Baltes et des pays slaves jusqu’à la Vistule; 2) la description du trajet parcouru par le voyageur norvégien Ohthere du port d’Hálogaland à la Mer Blanche, et d’Hálogaland jusqu’au port d’Haede, Dannemark; 3) la description d’un fragment du voyage accompli par Wulfstan, émissaire anglo-saxon, du port de Haede à celui de Truso. Ces deux dernières descriptions ont été appelle des „Periplus”, ce qui n’est pas exact.

 

La description de l’Europe se trouvant dans la traduction anglo-saxonne de l’oeuvre d’Orosius fut, comme la traduction elle-même, attribuée au roi Alfred. Bien des données indiquent que cette description a été faite sur son ordre, puis incorporée dans la traduction. Une analyse plus détaillée revèle une importante participation de Wulfstan à la rédaction définitive de la Description. Wulfstan n’était pas un marchand comme on le suppose généralement, mais un émissaire du roi anglais dont la

 

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tâche consistait à étudier les rapports ethniques et ethnographiques des peuples habitant les rivages du sud de la Baltique. L’analyse chorographique de la Description montre que le compte-rendu d’Ohthere et de Wulfstan est l’oeuvre d’un seul, et qu’il est dû à la plume de Wulfston. On peut toute fois constater des différences terminologiques, onomastiques et stylistiques entre la partie chorographique et les compte-rendus des voyages. La description des peuples allemands et slaves se fonde sur des matériaux envoyés d’Allemagne, probablement de Regensbourg.

 

En somme, la Description consacre beaucoup plus d’attention aux pays baltes qu’aux pays sud-allemands et slaves. Elle est fondée sur des données orales, qui ont été également utilisées pour l’établissement d’une carte. La localisation des différents peuples sur la carte facilita la connaissance de leurs rapports de voisinage. La carte joua un rôle important dans la rédaction finale de la Description. L’auteur analyse de façon détaillée les différentes parties de la Description, commençant par les tribus allemandes et terminant par celles du bord de la Baltique. Parmi ces dernières il consacre une attention spéciale au peuple. Osti nommé Esti dans le compte-rendu de voyage de Wulfstan. L’auteur, ayant étudié d’un point de vue critique la discussion soulevée par ces deux dénominations, affirme leur identité et localise le pays des Ests sur le territoire de la future Prusse.

 

On attacha aussi une grande importance à la description de la Mer Baltique qui apparaît dans l’oeuvre d’Alfred sous le nom d’Ostsae. L’auteur avance une supposition déjà faite dans la littérature (A. Gâters), à savoir que le terme d’Ostsae prend son origine du nom du peuple: Osti=Esti et qu’il designe simplement „la Mer des Ests”.

 

Enfin l’auteur étudie un fragment de la Description du voyage de Wulfstan consacré à l’embouchure de la Vistule et au port de Truso, qui s’y trouve situé. On a consacré beaucoup d’attention dans les recherches précédentes à la description de l’embouchure de la Vistule. Certains chercheurs étaient d’avis que Wulfstan avait décrit l’embouchure du fleuve près de son actuelle embouchure (localité: Wisłoujście, allem. Weichselmünde); d’auties affirment qu’il avait localisé cette embouchure au nord d’Elblqg sur le cordon littoral „Świeża Mierzeja” (allem. Frische Nehrung), c’est-à-dire près de l’ancienne embouchure du Nogat (bras droit de la Vistule). On peut prendre à la lettre l’expression de Wulfstan suivant laquelle la Vistule se jette dans la Mer au nord et à l’ouest (west anð nord on sae): l’expression a été interprétée, à tort, comme signifiant „au nord-ouest”. L’auteur suppose que Wulfstan a considéré deux embouchures du fleuve, celle qui est près de l’actuel Wisłoujście (allem. Weichselmünde), ainsi que celle du Nogat. Mais l’interprétation traditionelle peut aussi être soutenue.

 

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Pour ce qui est de la localisation du port de Truso, l’auteur déclare adopter l’<avis de ceux qui situent ce port auprès de la cité médiévale d’Elblqg. Le pays de Witland, identifié le plus souvent à l’étroite bande de Świeża Mierzeja (allem. Frische Nehrung), représentait selon lui la plus grande partie de la Prusse située à l’est de l’embouchure de la Vistule.

 

 

Chapitre II: Base historique de la légende relative aux combats entre Goths et Huns au bord de la Vistule (Hervararsaga et Chanson des Huns).

 

La Chanson des Huns s’est conservée dans la saga islandaise sous le titre de Hervararasaga, datant de la seconde moitié du XII-ème siècle. La saga introduit les différentes strophes de la Chanson, tantôt résumées en prose, tantôt cités tels quels. L’auteur soutient le point de vue que le saga n’a pas de grande valeur historique; c’est une compilation qui reprend des thèmes de récits courants en Islande au XII-ème siècle. Dans ces recherches, on doit prendre comme base la Chanson des Huns elle-même. Les historiens se servent en général de la version de cette chanson établie par A. Heusler et W. Ranisch (Eddica minora, 1907). L’auteur situe à l’aide de nouveaux arguments l’origine de cette Chanson à la fin du IX-ème siècle et lui attribue comme auteur Thornbjörn Hornklofi, skald attaché à la cour du roi norvégien Harald aux Beaux-Cheveux. Le poème présente d’importantes rencontres avec les chansons du cycle d’Edda, en particulier avec Volundarkviða et Atlakviða. Ces chansons à leur tour ont emprunté des thèmes des récits courants en Bavière, Souabe et en Rhénanie (p. ex. le déclin de l’Etat des Bourgondes, l’histoire de Walter d’Aquitaine, les récits sur Attila, roi des Huns etc.) Au cours de l’analyse qui suit, l’auteur arrive à la conclusion que là Chanson des Huns, sous sa forme actuelle, est la compilation de deux récits différentes. Dans l’un, la pucelle-chevalier Hervor et son protecteur Ormar font figure de héros tandis que, dans l’autre, c’est le roi des Goths Angantyr et son frère Hlödr, dernier allié des Huns, qui jouent ce rôle.

 

Dans la seconde partie de son étude, l’auteur a fait l’analyse historique de la Chanson. Il discute d’abord la question du champ de bataille, puis la date des combats entre Goths et Huns. S’il s’agit du champ de bataille trois opinons sont avancées: les uns le localisent entre les fleuves Don et Dniestr, sur les territoires de l’ancien habitat des Goths, près de la Mer Noire, et situent les combats dans la guerre gotho-hunienne vers l’an 375; les autres transportent le champ de bataille en Pannonie, sur le Danube central, et le rattachent aux guerres gotho-huniennes des années 455—468; d’autres enfin le localisent au nord des Carpathes entre la Haute Vistule et l’Elbe.

 

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L’auteur prend position par rapport à ces hypothèses et arrive lui-même à la conclusion que, d’après la Chanson des Huns, le lieu du combat et l’habitat des Goths à l’époque se trouvaient au bord de la Mer Noire. Les allusions à la Montagne des Alans et au fleuve Don et Dniepr (et non au Danube) l’indiquent assez. Une pareille localisation du champ de bataille se trouve toutefois en contradiction avec des événements historiques. La Chanson nous représente les combats comme une grande victoire des Goths sur les Huns. En réalité, comme on sait, ce sont les Huns qui remportèrent la victoire en 375 et chassèrent les Goths sur les territoires de la Pannonie. C’est là que les Goths avec d’autres tribus germaines restèrent assez longtemps sous la domination des Huns. Ce n’est qu’après la mort d’Attila (453) que les Goths et les autres tribus germaines sous le commandement des Guepides vainquirent les Huns et les chassèrent au bord de la Mer Nome.

 

Une partie des Goths s’est probablement réfugiée de Pannonie en Bavière et en Souabe, et c’est grâce à eux que nous possédons des données sur ces combats en Allemagne. C’est là que la Chanson des Huns, sous sa forme sud-germanique, naquit vers l’an 800. Son auteur, situant l’action sur le territoire primitif des Goths, fondit en un seul ensemble les combats qu’ils avaient livrés au cours des années 375—455/468, et ainsi leur désastre antérieur (illustré dans la Saga et dans la Chanson par l’épisode: Hervör-Ormar) fut représenté, pour s’accorder avec l’issue finale de ces combats (455/468), comme une victoire. Un pareil mélange d’événements historiques n’est possible que chez un poète.

 

L’auteur conclut que les événements relatés dans la Chanson des Huns et la Hervararsaga restent sans aucune relation avec les territoires polonais.

 

 

Chapitre III: Widsidh.

 

Un poète inconnu, sous le cryptonyme: de Widsidh (Le Voyageur Lointain, Wide-Wanderer, Weitfahrer), décrit ses voyages chez différents peuples et rois dans plusieurs, pays, surtout germains et méditerranéens. Parmi ces voyages, le plus important est celui qui le conduisit en compagnie d’Ealhilde, fille du roi langobard Alboin (565—572) à la cour de son mari, le roi goth Ermanrique (mort vers l’an 375). Parmi les hommes illustres et les héros de l’entourage d’Ermanrique, nous trouvons aussi Angantyr et Ormar (ici: Wyrmhere) connus déjà par la Chanson des Huns. A l’occasion de sa visite chez Wyrmhere, le poète rappelle les combats entre Goths et Huns qui selon lui ont été livrés „dans la forêt au bord de la Vistule”. Cette allusion est à l’origine de l’intérêt des historiens polonais pour cette Chanson.

 

L’auteur étudie dans la première partie de sa dissertation la genèse de cette oeuvre et en particulier sa date d’origine.

 

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Il rend compte d’abord des discussions antérieures pour donner raison à ceux qui situent Widsidh vers la fin du IX-ème ou au début du X-ème siècle.

 

L'auteur développe ses arguments en faveur de cette date si tardive, en montrant certaines filiations entre le poème du Widsidh et le poème du Beowulf, qui se situe au confluent du VIII et du IX-ème siècle. La filiation du poème du Widsidh par rapport à la Description de l’Europe centrale, notée par certains savants, ne se laisse pas démontrer. On peut tout au plus supposer que les auteurs ont tiré leurs informations d’une seule source, de type narratif.

 

Une importance plus grande doit être accordée à certaines données historiques du poème, indiquant que celui-ci s’est élaboré au cours du IX-ème siècle seulement. P. ex. l’allusion à l’empereur grec, c. à d. byzantin, et à l’empereur romain, c. à d. franc, ensuite la dénomination Lidvicingi pour signaler la Bretonie, le royaume de Léon en Espagne etc.

 

Quant au caractère de la Chanson, l’auteur est également d’accord avec les chercheurs qui voient dans le poème de Widsidh une somme encyclopédique des sagas et des légendes germaniques courantes à cette époque en Angleterre.

 

A l’origine de chaque nom de pays, de peuple ou de personne se trouve un thème de récit que le jongleur (scop) pouvait développer plus ou moins largement au gré de ses auditeurs; en outre le scop a enrichi son oeuvre de diverses notions apprises probablement à l’école et se rapportant surtout aux noms des pays méditerranéens.

 

L’auteur entend prouver que l’allusion de Widsidh aux combats des Goths avec les Huns au bord de la Vistule est une interprétation légendaire du thème narratif dont nous avons pris connaissance dans le chapitre précédent.

 

Certains éléments du récit (transposition des combats entre Goths et Huns à l’époque d’Ermanrique, rattachement du personnage de Wyrmher-Ormar à la suite du roi d’Ermanrique etc.) indiquent que Widsidh a tiré ses informations d’une autre source (voir: le dualisme du récit dans la Chanson même des Huns).

 

Il est donc impossible de montrer une filiation directe entre la Chanson anglo-saxonne et la Chanson nordique (Hunnenlied). Toutefois elles se fondent toutes deux sur une tradition, qui a son origine dans l’Allemagne du sud.

 

 

Chapitre IV: Les pays slaves et la Pologne dans la Chanson Roland.

 

Dans la Chanson de Roland, parmi différents noms de lieux appartenant à l’Europe occidentale et à la région méditerranéenne, se trouvent aussi des noms de pays slaves, situés en Europe centrale et dans les Balkans.

 

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L’état de la conservation de la Chanson de Roland rend l’analyse de ces noms plutôt difficile. Nous ne connaissons ni l’original ni même l’archétype de la Chanson. Quelques rédactions postérieures ont été seulement conservées et diffèrent entre elles non seulement au point de vue de la forme, mais aussi par le contenu. La reconstitution de l’épopée, que certains ont tentée, n’a pas abouti.

 

Se proposant d’étudier des noms lieux contenus dans la Chanson de Roland, l’auteur prend en considération tous les manuscrits et établit leur valeur par rapport à leur âge et à l’état de leur conservation. Il réfute en conséquence la théorie de Joseph Bédier, selon laquelle le manuscrit d’Oxford (O), vers 1180, vaudrait autant que tous les autres pris ensemble. Il rélève l’importance des manuscrits CV7 et souligne que dans les recherches antérieures sur l’onomastique de la Chanson, on a accordé trop peu d’attention à la traduction allemande de l’abbé Conrad, qui avait à sa disposition le texte datant de la moitié du XII-ème siècle. C’était donc la plus ancienne version de la Chanson de Roland. Et quoique la traduction de Taube Conrad ne soit pas fidèle, il cite les noms sous leur plus ancienne forme onomastique.

 

L’énumération des pays de l’Europe centrale et de l’Europe orientale apparaît à quatre reprises dans la Chanson, dans les vers 366—376, 2315—2337, 2920—2924 et 3214—3290. On peut déduire de ces énumérations que toute l’Europe orientale, ou bien se trouvait sous la domination de l’émir de Babylone, ou bien soutenait les adversaires de Charlemagne. La comparaison du manuscrit O avec la traduction allemande de l’abbé Conrad prouve que ces énumérations ne sont pas identiques; elles sont tantôt longues, tantôt brèves; c’est le même cas pour les autres manuscrits. Le choix des noms de lieux est fait souvent au hasard.

 

L’étude de ces énumérations amène l’auteur à réduire considérablement le nombre de lieux d’apparence slaves. Il trouve des mentions se rapportant indiscutablement aux Tchèques, à la Pologne et à la Russie, ainsi qu’aux Prussiens pris comme représentants de peuples baltes; la mention touchant les Serbes Polabes est douteuse, il est plus probable qu’elle désigne les Serbes balkaniques. La dénomination de Russes paraît surtout dans la version byzantine (Rhosse au lieu de Riuzzen, Ruzzen à la manière occidentale). Les mentions touchant les Slaves en général sont fréquentes; on les rapportait généralement aux Slaves Polabes, mais il faut toutefois se remémorer que les éléments slaves étaient nombreux sur le territoire de l’Espagne elle-même et dans les autres pays arabes ou les Slaves étaient vendus en masse comme esclaves jusqu’au au X-ème et XI-ème siècle. L’auteur réfute tous les essais d’identification de certaines dénominations avec les noms: Obodrites, Lutiques, Velètes, Milcenes, Varmiens, Sambes etc.

 

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Il faut souligner qu’on trouve dans la Chanson de Roland, beaucoup plus fréquemment, les noms des peuples des Balkans et de la Mer Noire (par exemple: Hongrois, Bulgares, Uses, Ulitchanes, Petchenègues, Albanais, Serbes balkaniques, peuple de Strimone, de Méssenia, d’Argolide etc.). Les Français ont pris contact avec ces peuples au cours des premières croisades. L’auteur est d’accord sur bien des détails avec le remarquable byzantiniste belge, Henri Grégoire. Il attache une attention particulière à l’étude du nom de la Pologne dans la Chanson de Roland.

 

Dans le plus ancien manuscrit français d’Oxford sont cités le peuple Puillain et le pays Puillanie. Certains parmi les commentateurs de la Chanson, p. ex. Gaston Paris, Gautier, Boissonade, sont d’avis que le poète mentionne ici le peuple des Polanes (des Polonais) ou bien le pays même de Pologne. Par contre, d’autres affirment qu’il avait en vue les Apuliens ou le pays d’Apulie au sud de l’Italie (par ex. Joseph Bédier, partiellement aussi Gautier et d’autres). Les historiens polonais, à l’instar des historiens de la littérature, expriment sur cette question deux opinions différentes. Les adversaires de la thèse suivant laquelle il s’agit du nom de la Pologne, font valoir l’incertitude des contacts de Charlemagne avec la Pologne au VIII-ème et au IX-ème siècle. Il font aussi remarquer qu’il est peu probable que le nom des Polonais et de la Pologne fût alors connu en Occident.

 

L’auteur essaie de prouver que dans la Chanson de Roland le nom de Pologne apparaît effectivement, mais il constate en même temps, que ce nom ne pouvait être connu en France avant le XI-ème siècle; c’est donc à partir seulement de cette époque que date la légende d’après laquelle la Pologne aurait été conquise par Charlemagne.

 

Dans leurs considérations à ce sujet, les commentateurs tenaient compte jusqu’ici des noms relatifs à la Pologne figurant dans la version du manuscrit d’Oxford. Afin d’établir la plus ancienne forme des noms: Puillain, Puillanie, nous sommes obligés d’avoir recours à la traduction allemande de l’abbé Conrad, de 1150 environ, où se trouve la forme Pôlân. Il faut souligner en même temps que l’abbé Conrad connaît également le pays de Pulle, c. à. d. Apulie. Le fait que ces deux noms sont cités l’un après l’autre rend impossible toute identification de la Puillanie avec l’Apulie.

 

D’autre 'part, l’auteur soumet à une stricte analyse les autres manuscrits italiens, français, anglais et Scandinaves de la Chanson et démontre qu’on y trouve également le nom de la Pologne sous la forme: Puillaine, Pullan, Polain, Puillanie, Poulaigne etc., ce qui ne permet guère non plus de l’identifier avec l’Apulie. Toutefois, une importance décisive doit être attribuée à la traduction allemande de l’abbé Conrad,

 

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la plus proche de l’original et dont l’auteur, en tant qu’Allemand, avait la meilleure connaisance de la géographie de l’Europe centrale d’alors.

 

L’auteur démontre ensuite que le nom de Pologne s’étant formé au confluent du X et du XI-ème siècle, ne pouvait être connu en France qu’au XI-ème siècle. Par conséquent la mention des Polonais et de la Pologne parmi les pays assujettis par Charlemagne constitue un anachronisme.

 

 

Chapitre V: La légende de Walter d’Aquitaine en Pologne.

 

Une version polonaise du récit bien connu ayant pour héros Walter d’Aquitaine se trouve dans la Chronique, dite Wielkopolska (de Grande Pologne) de la fin du XIII-ème siècle. Cette version ne ressemble guère au poème sur Walter de la fin du IX-ème siècle. Elle est plus proche des légendes sur Walter courantes en Allemagne du Nord et du Sud, et en Norvège, du XII- et XIII-ème siècle. Un élément nouveau, apparaissant seulement dans le récit polonais, est la limitation du récit à deux épisodes, où les motifs amoureux jouent, le rôle principal. Dans le premier épisode le sujet principal est la rivalité entre le chevalier polonais, Walter de Tyniec, et un prince allemand pour obtenir la main d’Héligonde, fille du roi français: l’histoire se termine par l’enlèvement et la fuite d’Héligonde à Tyniec (près de Cracovie). Le sujet de l’autre épisode est la trahison d’Héligonde, la fuite de Wisław le Beau, son amant, à Wiślica et la vengeance de Walter.

 

Il est évident que le Walter Polonais s’est éloigné de son modèle germain. Son interprétation est d’autant plus difficile qu’il ne possède aucune analogie dans la littérature de l’Europe occidentale. On pourrait tout au plus supposer que le récit polonais repose sur une version française, qui aurait subi d’importants changements sur le territoire polonais.

 

La date d origine d une oeuvre et l’historicité de ses personnages sont d’une grande importance pour l’historien. Il n’y a pas de doute que Walter et Héligonde sont des personnages fictifs empruntés à la littérature. Certains historiens sont enclins à considérer comme historique le personnage de Wisław le Beau de Wiślica et à voir en lui le prince de Wiślica (près de' Cracovie); ils cherchent dans le récit de Chronique Wielkopolska un reflet des anciens conflits entre deux clans politiques: de Wiślica et de Tyniec, au déclin du IX-ème siècle. D’autres historiens qui considéraient ce récit comme une légende rattachent son passage en Pologne à l’arrivée des Bénédictins à Tyniec vers l’an 1045 (en réalité ce fait eut lieu 30 ans plus tard). Enfin certains historiens rapportent son origine au XIV-ème siècle et considèrent que ce récit a subi l’influence des bourgeois allemands de Cracovie.

 

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Au début du chapitre, l’auteur présente l’état des recherches sur la légende polonaise de Walter d’Aquitaine. Ensuite il discute d’un point de vue critique les différentes versions polonaises de cette légende et se propose de reconstituer la version originale polonaise. Puis l’auteur considère le Walter polonais par rapport aux versions analogues d’Europe occidentale (Waltharius, vValdere, la Chronique du couvent de Novalèse, Chanson de Roland, Nibelungenlied, Thidrekssaga, Biterolf, Rosengärten, le Livre de Bern). Enfin l’auteur traite des sources historiques du Walter polonais et de son milieu littéraire.

 

L’auteur, ayant pris position par rapport aux diverses hypothèses émises sur la question, arrive à la conclusion que le poème de Walter d’Aquitaine a passé de l’Europe occidentale en Pologne dans la seconde moitié du XII-ème siècle.

 

Le texte de la Chronique dite Wielkopolska laisse supposer que son auteur avait en main la version en vers.

 

L’auteur du Walter polonais a probablement vécu à la cour de Henri (1146—1166), prince du duché de Sandomierz. Wiślica fut une des autres résidences du prince Henri. Celui-ci prit part à la croisade en Palestine en 1154, fit venir les Hospitaliers (Joannites) dans son duché à Zagość près de Wiślica. Il est donc possible qu’un jongleur, peut-être français, se soit trouvé à sa cour et que ce jongleur ait introduit dans les milieux polonais, en l’adaptant à la manière locale, le récit de Walter si connu en Europe occidentale.

 

A partir de la moitié du XII-ème siècle, on considérait la légende de Walter et d’Héligonde comme une histoire polonaise et comme preuve on montrait à Wiślica le tombeau d’Héligonde.

 

L’auteur prouve que dans cette légende comme dans bien d’autres il est difficile de trouver un reflet des faits historiques.

 

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