ΓΕΝΝΑΔΙΟΣ: к 70-летию академика Г. Г. Литаврина

Борис Николаевич Флоря (отв. ред.)

 

13. L’histoire bulgare dans l’œuvre des Assomptionnistes

 

Vasilka Tapkova-Zaimova (Sofia)

 

 

S’efforcer de décrire l’œuvre des Assomptionnistes dans le cadre de l’histoire et de la civilisation byzantine paraît plus que superflu, tellement leurs publications depuis plus d’un siècle sont d’une qualité scientifique à toute épreuve et reconnue à l’unanimité. Aussi, dans les lignes qui suivent, voudrais-je attirer l’attention sur quelques-unes de leurs études qui portent plus particulièrement sur l’histoire bulgare.

 

Mais pour se rendre compte de l’intérêt dont jouissait en Bulgarie l’œuvre des Assomptionnistes, on ne saurait ne pas rappeler leur activité pédagogique à Plovdiv depuis 1863, lorsque commence à fonctionner leur premier collège, appelé “Saint Augustin” depuis 1884. L’enseignement qui se faisait au début en bulgare (comme d’ailleurs à leur école d’Odrian) a été remplacé par un programme en langue française depuis 1870 (avec des cours parallèles pour la langue maternelle des jeunes bulgares qui y recevaient leur éducation). D’ailleurs, en 1897, le collège des Assomptionnistes recevait du côté du gouvernement bulgare le droit de décerner des diplômes de second degré d’enseignement, égaux à ceux des écoles d’Etat [1]. Les jeunes gens qui faisaient leurs études à Plovdiv faisaient paraître régulièrement des revues en français, telle “Le messager”.

 

Revenant aux publications scientifiques qui, dans le cadre des études byzantines, concernaient plus spécialement des problèmes de l’histoire bulgare, il faut rappeler tout d’abord la parution régulière de la revue “Echos d’Orient” dont la rédaction se faisait à Kadi kôy où les Assomptionnistes avaient fondé leur institut et était imprimée, comme beaucoup d’autres publications catholiques, à la “Maison de bonne presse” (Paris, 5, rue Bayard).

 

Le directeur de l’institut français d’études byzantines était le Père Vitalien Laurent qui depuis 1930 était également rédacteur en chef des “Echos d’Orient”. L’institut fut transféré en 1938 à Bucarest et y demeure jusqu’en 1947, époque à laquelle il est expulsé de la Roumanie et déploie son activité à Paris [2].

 

 

171

 

Le dernier numéro des “Echos d’Orient” paraît en 1943, lorsque commence la parution régulière de la “Revue des Etudes Byzantines” [3].

 

Les “Echos d’Orient” avaient un terrain de publications plus étendu pour ce qui concerne l’Orient chrétien. Aussi ne m’y arrêterai-je que brièvement sur un article signé d’un pseudonyme, K. Tzernorizetz, et intitulé “Prodromes de renaissance dans l’Eglise bulgare” (EO, 28, 1925, 221-230). Il y est question des relations entre l’Eglise et les écoles en Bulgarie. L’auteur y fait de l’inquiétude qui règne en Bulgarie après les guerres balkaniques et l’insurrection de septembre 1923, lorsque les idées bolcheviques ont pris racine au sein de la jeunesse scolaire. L’Etat et l’Eglise devraient faire œuvre commune pour donner une nouvelle orientation aux programmes scolaires - y est-il dit en conclusion.

 

En dehors de cet article qui est un écho des luttes politiques de l’après-guerre, je voudrais signaler que la revue faisait paraître, cette fois-ci bien dans le cadre des études byzantines, des comptes-rendus d’ouvrages de spécialistes bulgares, tel Jordan Ivanov, et surtout une page dédiée à la mémoire de Vasil Zlatarski et signé par le P. Venance Grumel: “l’œuvre de Vasil Zlatarski est considérable et d’excellent aloi” (EO, 38, 1935, p. 507).

 

Quant à la “Revue des Etudes Byzantines”, il suffit de Trois tables y figurent, établies par les PP. J. Darrouzès et A. Faillet, avec les titres des publications, parues dans les vol. de 1 à 40, c’est-à-dire entre les années 1943 et 1982 (une totalité de 13.000 pages de textes). Les matériaux, consacrés à la Bulgarie médiévale, sont en rapport surtout avec les problèmes de l’Eglise et l’administration byzantine dans les territoires bulgares, en partie aussi avec les relations politiques. Mais des articles, consacrés plus spécialement à l’histoire bulgare, ne font pas défaut. Je citerai, à titre d’exemple, A. Failler. Une dernière mention du Bulgare Voisil dans l’histoire de Pachymère - REB, 43, 1985, 227-230. C’est un des derniers en date et il est le fruit des tentatives de mettre au point le texte de Pachymère.

 

Revenant en arrière, on’devrait commencer par une publication du P. V. Laurent sur les études byzantines en Bulgarie au cours des années 1946-1949 (REB, 7, 1950, 214-224). Cet article a été fort utile pour les lecteurs occidentaux, étant donné le grand éloignement qui existait dans l’après-guerre. Il est divisé en quatre parties: 1) histoire des études byzantines; 2) linguistique et littérature; 3) histoire; 4) archéologie et domaines voisins. C’est une sorte de complément aux autres publications du P. Laurent qui traitent le même sujet pour la Roumanie et la Grèce, toujours dans le cadre des années 1946-1949.

 

 

172

 

Puisque j’ai abordé l’œuvre volumineuse et très importante de V. Laurent (1896-1973), dont la bibliographie a paru dans: REB, 32, 1974, 343-370 + index bibliographique, 371-379, et notes biographiques par le P. J. Darrouzès, V-XIV ibidem, je voudrais indiquer tout d’abord qu’un de ses articles a paru en Bulgarie, dans le Bulletin de la société historique Bulgare (= Recueil Nikov), No 16-18, 1940, 275-287. Cet article orte le titre: “Ὁ Βαρδαριώτων ἤτοι Τούρκων?”. Turcs asiatiques ou Turcs hongrois?” Parmi ses autres recherches de sigillographie et dont un nombre non négligeable concerne les territoires bulgares, je rappellerai “Un nouveau gouverneur de la Bulgarie byzantine: le Géorgien Tzoumabélès”, publié dans: Bulletinul numismatice romane, 38-41, 1844—1947, 7-15, ainsi que “Argyros Karadzas, protocuporalates si duce de Philippopoli”, dans: Revista istorica, XXIX, 7-12, 1943, 203-210, enfin “Deux nouveaux gouverneurs de la Bulgarie byzantine: le proèdre Nicéphore Vatatzès et le protopoèdre Grégoire”, dans: Revue des Etudes Sud-Est européennes VII, 1, 143-150. Les problèmes de l’Eglise, les changements dans les sièges épiscopaux, etc. n’ont pas manqué d’avoir trouvé leur place dans les études à longue haleine de V. Laurent. Mentionnons seulement son grand ouvrage “Le corpus des sceaux de l’Empire Byzantin”, où dans le t. V, 2, 1963: il est réservé une place aussi à l’Eglise bulgare (“Les archevêchés autocéphales (Chypre et Bulgarie)”).

 

J’attire l’attention aussi sur un article à part qui concerne le Bas-Danube au XIVe s. et qui a suscité quelque discussion à l’époque: “La domination byzantine aux bouches du Danube sous Michel VIII Paléologue”, dans: RHSEE, 29, 1945, 184-198.

 

Après le P. Laurent, ce fut le P. Jean Darrouzès qui prit la relève dans les travaux de géographie ecclésiastique (v. la biobibliographie de Jean Darrouzès (1912-1989) dans: REB, 49, 1991, 337-349, par A. Failler). Mais je voudrais relever préalablement un ouvrage de J. Darrouzès “Epistoliers byzantins du Xe siècle”, Paris 1960, qui intéresse également l’histoire bulgare par un complément de sources de Siméon. Со sont cependant ses nombreuses et très importantes publications sur l’administration ecclésiastique et les Notitiae qui ont contribué à donner un nouveau tableau sur la répartition des sièges épiscopaux dans les territoires bulgares et les relations entre l’Eglise de Constantinople, l’archêveché autocéphale d’Ochrid, le patriarchat bulgare etc. En plus des nombreux articles qu’il publiait régulièrement dans la “Revue des Etudes byzantines”, je cite ses ouvrages de fond, à savoir “Recherches sur les Offikia de l’Eglise byzantine”, 1970 “Notitiae episopatuum ecclesiae Constantinopolitanae”, 1981;

 

 

173

 

“Les Regestes des Actes du Patriarcat de Constantinople”, trois volumes qui ont paru en 1977, 1979 et 1991 respectivement.

 

Un auteur très productif et qui connaissait de près l’histoire médiévale bulgare, ce fut le Père Paul Gautier (1931-1983): v. les notes biographiques qui lui sont consacrées et sa bibliographie dans: REB, 42, 1984, 366-378, signées par le P. J. Darrouzès. Un petit article de P. Gautier “Mœurs populaires bulgares au tournant des XIIe-XIIIe ss.” a été publié dans: Byzance et les Slaves (Mélanges J. Dujčev), Paris 1979, 181-189. Mais c’est surtout ses nombreuses études sur l’archevêque d’Ochrid, Théophylacte, qui ont laissé une trace durable dans nos connaissances sur les relations d’Eglise, des confrontations politiques, enfin l’histoire culturelle et économique ayant pour centre Ochrid et concernant aussi tous les milieux de la capitale byzantine qui ont eu des rapports avec ce célèbre personnage de Théophylacte Hephaistos, archevêque de Bulgarie, Notes chronologiques et biographiques, dans REB, 21, 1963, 159-178 et j’indiquerai, en dernier lieu, “Theophylacti Achridensis Opera, I—II (= CEHB)”, Thessalonicae 1980-1986 (le dernier volume est une édition posthume).

 

Dans ses recherches sur Théophylacte d’Ochrid, P.Gautier est arrivé à la conclusion que la vie de Saint Clément, ainsi que la “Vie des martyrs de Tiberioupolis” ne sont pas l’œuvre de l’archevêque d’Ochrid - une thèse qui n’a pas été admise par certains savants (v. “Deux œuvres hagiographiques du pseudo-Théophylacte (Thèse de doctorat)”, Paris 1968). Néanmoins, c’est dans ce cadre de l’archevêché d’Ochrid qu-il importe de mentionner aussi son article “Clément d’Ochrid, évêque de Dragovista”, dans: REB, 22, 1964, 199-214.

 

Faisant l’édition de quelques typica de monastères byzantins, P. Gautier a donné une nouvelle édition, avec notes explicatives, du “Typikon du sébaste Grégoire Pakourianos”, dans REB, 42, 1984, 5-145 qui a remplacé celle du père Louis Petit et qui datait de 1904.

 

Le Père Gautier avait pris part au Ve Congrès des Etudes slaves qui avait eu lieu à Sofia (1963). Parlant de Congrès, je ne manquerai pas de rappeler que le IVe Congrès des Etudes byzantines avait eu lieu à Sofia en 1934. Y ont pris part les Pères V. Laurent et V. Grumel. Le premier avait présenté un rapport, intitulé “Bulgarie et princes bulgares dans la sigillographie byzantine”, dont le résumé a paru dans les actes du Congrès (Bulletin de l’Institut archéologique bulgare, t. X, 1936, p. 266) et dont le texte intégral a été publié dans EO, 33, 1934, 413-427.

 

 

174

 

Le rapport du F. V. Grumel portait sur “L’année du monde dans la Chronographie de Théophane” (résumé publié également dans le Bulletin de l’Institut archéologique bulgare, t. IX, 1935, p. 406 et texte intégral dans EO, 33, 1934, 306—408). D’ailleurs, à propos de chronologie, on ne pourrait passer sous silence le livre de V. Grumel, la chronologie, Paris 1958.

 

Au Congrès des Etudes byzantines de Sofia avait pris part également un Assomptionniste bulgare, le Père Kamène Vitchev, qui fut une des victimes des procès que le régime communiste avait intentés contre le clergé catholique (accusé d’espionnage, le Père Vitchev fut fusillé dans la nuit du 11 au 12 novembre 1952 [4]). Sa communication, publiée in extenso dans le Bulletin de l’Institut archéologique bulgare, t. X, 1936, 83-86, portait sur les “Influences byzantines sur le droit paléo-bulgare. Les causes du divorce dans le zakon soudni lioudem”.

 

Quant à la coopération scientifique entre la rédaction de la REB et les spécialistes bulgares, on pourrait ajouter que la Revue était ouverte dès le début de sa parution à des savants comme V. Besevliev et I. Dujčev (dont les travaux ont été souvent recensés), ensuite S. Maslev et parmi les plus jeunes, I. Biljarski, etc.; y ont publié aussi leurs recherches d’autres collègues de l’étranger, comme Mme C. Asdracha, dont les études sur les Rhodopes sont appréciés à Sofia.

 

Je voudrais terminer cette revue par les publications d’un vulgarisateur enthousiaste, le Père Alain Sergheraert. Celui-ci avait vécu à Plovdiv entre 1924 et 1930: il faisait partie du corps “Saint Augustin”. Revenu en France, il entreprend de préparer ses publications sur l’histoire bulgare qu’il a consacré en grande partie “à ses anciens élèves”. Quoiqu’étant un grand blessé de la première guerre mondiale (il avait perdu un oeil et avait le bras droit mutilé), il publie en 1939 son premier livre (signé avec le pseudonyme Christian Gérard) “Les Bulgares de la Volga et les Slaves du Danube. Le problème des races et les barbares”, qui figure dans les indications bibliographiques de Gy. Moravcsik sur les Protobulgares [5].

 

En 1960 paraît “Syméon le Grand, 893-927” (signé G. Sergheraert/ Christian Gérard) qui est considéré par les spécialistes comme un ouvrage méritoire de vulgarisation scientifique [6].

 

Son dernier livre “Les princes bulgares du Moyen Age. Portraits. De Terbel à Kaloyan, le Johanisse de la IVe Croisade, 1204”, Paris 1974 (signé également G. Sergheraert/Chr. Gérard), a été remarqué favorablement de même [7].

 

Mais le plus méritoire de ses ouvrages, c’est “présence de la Bulgarie dans les lettres françaises, expliquée par l’histoire”;

 

 

175

 

vol. 1 “De la chanson de Roland au capitaine Conan”, Paris 1961; vol. 2 “De Pantagruel à Candide”, Paris 1963; vol. 3 “De Lamartine et Victor Hugo à Roger Vercel”, Paris 1971. Portant mon attention plus spécialement sur la période du Moyen Age, je remarquerai que le père Sergheraert ne s’est pas contenté de recueillir des témoignages d’écrivains français, il a fait par endroits œuvre de pionnier dans ses explications [8]. Et l’on ne pourrait ne pas être ému en lisant les “Introductions” de chaque volume qui débordent de sympathie envers la jeunesse bulgare et ne manquent pas de rappeler les contacts entre la France et la Bulgarie, reflétés dans les textes d’histoire et de littérature, au cours de plusieurs siècles.

 

Le Père Sergheraert a atteint presque l’âge biblique. Il avait quitté l’ordre des Assomptionnistes en 1933, mais y a été de nouveau accueilli en 1981. Il est décédé en 1984, à l’âge de 98 ans et repose au caveau des Assomptionnistes au cimetière de Montparnasse [9]. Le gouvernement bulgare l’avait honoré de l’ordre “Saints Cyrille et Méthode”.

 

 

   Notes

 

1. Шишков С. Петдесетгодишнината на француския мъжки калеж “Св. Августин” в гр. Пловдив. Пловдив, 1934; Tăpkova-Zaimova V., Chenov L. La scuole francesi in Bulgaria e la cultura spirituale cattolica (seconda metà XIX-XX sec.) // La cultura spirituale cattolica; sua presenza ed influsso in Bulgaria, Sofia, 1992, p. 295-304 (en bulgare).

 

2. Pour les adresses successives de l’Institut français des Etudes byzantines à Paris on pourrait consulter, par ex., REB, 49, 1991, p. 338 (Notes biographiques du Père J. Darrouzès).

 

3. Les “Tables générales des Echos d’Orient (1897-1942)” // Archives de l’Orient chrétien, 15, Paris, 1986, ne m’ont pas été accessibles.

 

4. Елдъров С. Униатството в съдбата на България, София 1994, 84-90.

 

5. Moravcsik Gy. Byzantinoturcica, I, Berlin 1958, p. 130.

 

6. Божилов, И. Симеон Велики (893-927): Златният век на средновековна България. София 1983, с. 7.

 

7. Ibid., р. 216.

 

8. Заимова Р. Българската тема в западноевропейската книжнина, XV-XVII век, София, 1992, с. 120 и бел. 144-149.

 

9. Dossier biographique du P. Sergheraert, communiqué par le P. Guy Nicolier que je remercie vivement.

 

[Previous] [Next]

[Back to Index]